Accéder au contenu principal

Jack White - No Name (2024) REVUE

 "Un inattendu mais surprenant retour aux sources appelle l'intrépide ancien leader bientôt quinquagénaire  des White Stripes, lequel remet au goût du jour les sulfureuses seventies, entre Led Zeppelin, The Gun Club, et les Sex Pistols."

 

État de l'album lors de la distribution "secrète" dans les boutiques Third Man Records.


Reconnu comme le plus jeune "guitar hero" et comme l'un des plus prolifiques compositeurs du nouveau millénaire, Jack White (de son vrai nom John Anthony Gillis) ne cesse de surprendre. Véritable orfèvre de la note bleue et de tout son patrimoine, il a su avec magnificence adapter la substance traditionnelle de la musique américaine (en grande majorité le blues, mais aussi la country, la folk, le gospel, la soul...) au rock alternatif ayant explosé dans les années 90, permettant ainsi d'unifier deux époques reculées mais semblables de par l’instillation similaire d'une émotion brute et authentique, accompagné notamment des suédois de The Hives ou les new-yorkais de Yeah Yeah Yeahs.

On sait que Kurt Cobain appréciait The Shaggs, mais avec Jack White (grâce aux White Stripes), on assiste à un remblayage artistique plus étendu, au succès sans précédents (dont n'ont pas joui des formations semblables de Détroit, telles que The Hentchmen ou The Dirtbombs ; la scène détroitienne a par ailleurs déjà été répertoriée par mr. White en 2001 sur la compilation "Sympathetic Sounds of Detroit" !), à cheval entre deux siècles d'évolution musicale, lorsque l'on apprend par exemple que le tout premier album des White Stripes, contient un extrait du légendaire Son House sur le titre "Cannon" ("John the Revelator" lui est dédicacé) ; ce dernier étant repris ensuite sur "De Stijl" avec "Death Letter", relayé par "Little Room" sur le recueil "White Blood Cells" (dédicacé à Blind Willie McTell), étant la version de White de "Grinnin' in Your Face" du patron du Delta Blues ! On a ensuite, pour résumer, les réalisations des autres Link Wray et The Trashmen, relayés dans les eighties par The Cramps et Flat Duo Jet, qui donneront la marque de fabrique incroyable des White Stripes. "Seven Nation Army" reste peut-être encore aujourd'hui le morceau le plus populaire du XXIème siècle, même pour ceux ne possédant pas de culture rock.

 

Sans aller jusqu'à résumer la carrière entière du duo des "lignes blanches", dont le tracé fut définitivement interrompu en 2011, afin d'éternellement marquer l'horizon du rock, intéressons-nous à ce qu'à produit mr. White au délà. Entre 2006 et 2011, avec les dynamiques The Raconteurs et les sombres The Dead Weather, notre hyperactif mélomane ne reprend jamais son souffle. Et dès 2012 s'inaugure son aventure personnelle avec "Blunderbuss" puis "Lazaretto" en 2014, qui approfondissent ce qu'a légué notamment le "Get Behind Me Satan" des Stripes en 2005. A partir de "Boarding House Reach", Jack White dépasse ses limites et expérimente à la manière de Brian Eno. Après un album folk laissant apparaître une facette plus flegmatique de la légende de Détroit, 2024 annonce un retour (tant attendu) aux sources. 

Couverture de l'édition vinyle officielle annoncée fin juillet.
Une approche très punk transpire la venue de cette nouvelle galette, car elle n'a pas d'illustration et n'est pas réellement baptisée. Elle est ironiquement nommée "No Name", dans un esprit rappelant le quatrième volume de Led Zeppelin, parfois intitulé "Untitled". La mi-juillet, à Londres, Détroit, et Nashville, dans les boutiques du label Third Man Records (conçu et dirigé par Jack White), sont inclues, à l'insu de tout le monde, des copies de cette création, pour chaque acheteur chanceux d'une quelconque production de la fabrique du "Doc" Gillis. Celle-ci ne tardera pas à encourager les possesseurs de cette plaque à la diffuser gratuitement sur internet. White apaisera les affamés en dévoilant la sortie officielle de ce brulot pour début août, ornée d'un bleu marine déjà représentée depuis les débuts de son envolée intime.

 

Les internautes et la presse sont unanimes : c'est une franche réussite de la part de notre légende américaine, récupérant la toison artistique qui fit tant d'émoi autour du globe. La situation est étrangement drôle et attachante, car alors qu'aucune promotion n'a soutenu l'album, on le considère déjà comme son plus glorieux. "No Name" est purement et simplement un regard prononcé vers l'essence des White Stripes ! "Old Scratch Blues" ouvre admirablement l'offrande sur un lead bluesy, surplombé par une lourdeur très Black Sabbath/Soundgarden ! Sans citer tous les titres, on retiendra "Bless Yourself", qui fait écho à "Dead Leaves and the Dirty Ground" ; avec le refrain de "That's How I'm Feeling" (Olivia Jean, la femme de White, étant à la batterie), très Sex Pistols, on pense à "Fell in Love With a Girl" ; on retrouve l'influence de la bande à Johnny Rotten sur "Missionary" ; "It's Rough on Rats", c'est "Catch Hell Blues" seconde partie ; "Archbishop Harold Holmes", c'est "Immigrant Song" de Led Zep (avec à la basse Scarlett White, la fille de Jack !) ; "Bombing Out" et "Morning at Midnight" sont les réminiscences des Stooges ! Derrière les futs, on retrouve Patrick Keeler, lequel a joué sur "Blunderbuss", "Lazaretto", et avec The Raconteurs.

 

Ainsi, les aficionados de la première heure des White Stripes seront enchantés, tandis que les nouveaux arrivants dégusteront une superbe découverte, en 2024, du garage punk et du hard rock, très situé, tel qu'on la vu plus haut, entre les Stooges et Led Zeppelin. On a qu'une hâte, c'est de vivre l'intensité de tous ces morceaux en concert. Même après avoir succédé dans des territoires plus expérimentaux (très intéressants), cela n'a pas empêché l'égérie, que dis-je, la survivance du rock, d'intégralement se renouveler et de revêtir la fougue que l'on lui connaissait vingt ans auparavant !

8,5/10

 

Le maître de Détroit entouré de sa nouvelle thématique de couleurs : bleu, blanc, et noir.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

The Jeff Healy Band - See the Light (1988) REVUE

  De gauche à droite, Tom Stephen, Jeff Healy, Joe Rockman. Depuis sa genèse, produite progressivement il y a plus de quatre siècles par les conditions de vie difficiles des esclaves africains, irlandais, et écossais, la philosophie du blues est bien souvent (mais pas exclusivement) associée aux tragédies de l'existence, telles que les sentiments d'exil, d'aliénation, d'errance, de chagrin, de préjudice, et d'engourdissement spirituel, animal, et corporel. Ces tragédies, parfois si cinglantes, offrent d'inexorables ressources immuables, situées au plus profond du cœur, pour quiconque parvient à les surmonter. En lui faisant face avec courage, exultation et endurance cordiale, la vie décèle son puits de lumière. Ces quelques lignes résonnent intensément, si l'on aborde la vie de Norman Jeffrey Healy, surnommé Jeff Healy. Selon l'histoire, ce canadien natif de Toronto, né le vendredi 25 mars 1966 a été abandonné par ses parents peu après sa naissance ! Orp...

Linkin Park - From Zero (2024) REVUE

  Couverture réalisée à partir de mélange de "liquides" et "solides" de diverses matières et couleurs (selon les dires de Mike Shinoda).   Les deux mois succédant la parution du surprenant, édulcoré, et léthargique "One More Light" ont vu survenir la soudaine et tragique disparition du très charismatique chanteur de Linkin Park, Chester Bennington, qui a succombé, à la suite de l'également regretté Chris Cornell, à un profond abattement existentiel, contre lequel il s'est battu durant la totalité de son séjour terrestre. La promotion du septième opus du groupe a en conséquence été annulée, permettant de laisser le reste des membres, ainsi que le monde entier, de vivre et consommer un deuil requis. Une seule apparence s'est déroulée au Hollywood Bowl le 23 octobre 2017, en hommage évident à Bennington. C'est le public lui-même qui s'est occupé des parties de chant ! Dès l'année suivante, en 2018, le leader Mike Shinoda a partagé publ...

Roy Buchanan - Roy Buchanan (1972) REVUE

  Dans la série des guitaristes classiques hors-pairs aujourd'hui totalement éclipsés par des homologues au succès fulgurant, tels Keith Richards, Jimmy Page, Jimi Hendrix, ou Mark Knopfler, un certain pionnier de la Fender Telecaster, originaire de l'Arkansas, mérite que l'on s'attarde sur son aventure artistique un bien long moment. Les précédant, il fait partie des héros méconnus de la fameuse guitare, laquelle est l'initiale réussite commerciale du géant Fender, aux côtés d'Albert Collins, ou encore Wilko Johnson.  L'homme dont nous parlons est peut-être ignoré des cercles plébéiens, mais pas des musiciens. On s'explique : il a refusé la possibilité d'intégrer les rangs des Rolling Stones, lorsque la place du regretté Brian Jones fut vacante ; Eric Clapton n'a pas hésité à le couvrir d'éloges ; par son goût pour les racines de la musique américaine, il a directement donné impulsion à Robbie Robertson, lequel va former le culte The Band ; ...