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TMA - Beach Party 2000 (1987) REVUE

 

Illustration originale ; auteur inconnu.

En cette seconde partie des eighties, le punk est largement devenu, pour une poignée de personnes tournés vers les sphères hardcore, un mode de vie, lequel se voit largement diversifier à l'aide de musiciens visionnaires au sein de la scène. Diverses expérimentations sont établies, au profit d'une génération désillusionnée, et prête à a affronter le désarroi de la société urbaine dans laquelle ils sont plongés. Un trait domine particulièrement le punk rock dans la seconde moitié des années 80 : l'incorporation d'influences provenant du heavy metal, ce dernier devenant de plus en plus populaire. Ailleurs, il s'adoucit et prend un visage plus personnel avec le bourgeonnement du rock alternatif : Husker Du, Sonic Youth, Black Flag, The Replacements... Pour beaucoup, le punk prend un coup dur à ce moment précis, avec la dissolution de Minutemen et SS Decontrol en 1985, Dead Kennedys et The Clash en 1986, puis The Damned, Black Flag et Discharge en 1987 !


Tout droit sorti de la côte-est américaine, TMA (acronyme issu des initiales des prénoms des trois membres originaux : Thomas Emanuele, Mike Demko, puis Al Rosenblum, lesquels retiendront ensuite "Too Many Assholes" pour expliquer la signification au public) prend les armes en 1981 et forge la scène du New Jersey aux côtés de Sacred Denial, d'Adrenalin O.D. suivant le déjà bien amarré... Misfits ! Le groupe concrétise traditionnellement quelques démos avant de s'accaparer une signature chez la structure new-yorkaise Jimboco Records (Nasty Facts, The Nails...). Trois ans après leur formation, nos américains réalisent leur premier album "What's for Dinner", qui est très bien reçu par la critique. Jello Biafra des Dead Kennedys et le culte fanzine "Maximum Rocknroll" en feront vite l'éloge. 

Après avoir participé à des compilations connues seulement des puristes (leur "tube" "Nancy", ironisant, par revendication politique à la gauche, une relation avec la femme de Ronald Reagan, est apparu sur "Hard Core Takes Over" (1983) et "Speed Air Play" (1985)), et s'être fait une relative réputation aux clubs tels que le Dirt Club (lieu d'où provient la version de "Nancy" que l'on entend sur "Hard Core Takes Over") et bien évidemment le fameux CBGB, TMA vient à réitérer un second effort en 1987, intitulé "Beach Party 2000" qui évoque un éventuel paysage post-apocalyptique à l'aube du XXIème siècle. Envisageant l'avenir, en effet, à travers un champ vide de conscience et un rappel de la philosophie punk primitive qu'est le "No Future", TMA déverse ces conjonctures sous l'impulsion d'un punk rock hardcore sensiblement coloré de mélodies très proches des Ramones et des Dead Kennedys. Celles-ci définissent bien la tournure résolument mélodique que le punk hardcore prit à la fin des années 80, afin d'éluder toute stagnation musicale.

Couverture de la réédition de l'album.

Globalement, l'album de l'équipe du New Jersey est relativement conventionnel pour l'époque, et est passé inaperçu jusqu'à maintenant. L'ajout de colorations métalliques -tendance relativement répandue parmi les formations punk hardcore durant la deuxième moitié des eighties- est palpable, comme on l'entend la même période chez D.R.I., G.B.H., The Exploited, Verbal Abuse, Suicidal Tendencies, Napalm Death, ou encore T.S.O.L. De facture tout de même accrocheuse, certains titres retiennent l'attention, à l'image du titre d'ouverture "Only Time", qui reste un morceau mémorable réussissant à faire paraître le punk rock classique comme encore fortement proscrit dans les annales du style. "Joe", avec son intro post-punk, est le seul titre accélérant le tempo, ce dernier restant majoritairement fixé aux environs de 200 battements par minute. L'excellent combo "Don't Waste Your Time" et "What Happened to You" émulent efficacement, comme on le retrouve tout au long de l'album, un mélange entre les Ramones, les Descendents, Angry Samoans, et les Dead Kennedys, entre mélodies "surf punk" et riffs énergiques, que reprend le percutant "Miserable", puis "Ode to Clancy", possédant des accords de puissance très heavy metal. "You Can Try" démarre sur une association entre Bad Religion et du thrash metal. "Babysitter" et "Tomorrow" évoque ce que fera Green Day durant les années 90.  A contrario, plusieurs titres manquent d'énergie et sont caractéristiques d'un essoufflement notoire : "Feel Like Hell" et "Slack" en sont de bons exemples.

 

Si TMA ne réinvente absolument rien en 1987, et montre même des signes d'infirmité notoire, à l'image d'un disque qui semble se répéter et semblant être significatif de la dissolution du groupe, "Beach Party 2000" est tant bien que mal, à défaut d'être un "opus magnum", une réalisation plutôt correcte, qui ravira les grands amateurs d'albums oubliés et effacés, n'ayant pu relever de témoignage définitif d'un milieu culturel très tenace et vigoureux. A savoir que TMA n'a jamais vraiment promu sa carrière au delà du New Jersey, expliquant aussi pourquoi le groupe est resté dans l'obscurité. A s'écouter de temps à autre lorsque le besoin de dépoussiérer le contenu de ces belles années se fait sentir. Il nous faudra patienter trente ans pour voir réémerger les productions de nos américains, rééditées par Left for Dead Records, jeune antre musicale fondée par Jim Reynolds de l'ancien Jimboco Records en 2017. De quoi raviver le coeur des explorateurs du "gouffre purulent" du rock. 

6,5/10




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