Si le mythique Discharge, dont l'étendue de l'influence dépasse largement les bornes de son Angleterre natale, est considéré comme LE pionnier du punk hardcore au sein du "pays du thé" (lequel a ainsi fait fructifier le sens de l’ouïe autre que celui du goût, en sachant que la Grande-Bretagne a par le passé été injustement critiquée pour le "vide" de sa culture musicale...), il existe un petit groupe ayant manifesté, très peu de temps avant le "Realities of War" de la bande à Tezz et Bones (Discharge), un bouquet de titres sulfureux, et faisant le pont entre le punk rock plus classique et le hardcore ! Formé, tout comme son comparse cité plus haut, dans les Midlands du nord-est, et demeurant encore aujourd'hui seulement connu des aficionados du "rock de déchets", Anti-Pasti (vraisemblablement une référence au plat italien) a pourtant, au début des eighties, su se forger une place de choix dans le circuit du mouvement hérité des Stooges, de David Bowie, ou encore des Ramones.
Étrangement, le nom leur sied particulièrement bien, puisqu'ils sont, de par la sortie de leur premier EP (précédent de peu celui de la décharge de Stoke-on-Trent) comme un avant-goût réussi (mais injustement oublié), du ravageur début des fondateurs du "d-beat". A leurs côtés, des collectifs tels que The Exploited, Vice Squad, ou encore The Insane (que l'on retrouve sur la culte et essentielle compilation de 1981 "Punk and Disorderly") vont également participer à paver la nouvelle vague du punk rock, déjà amorcée avec le style "Oi!" à la fin des seventies, afin de réagir à la commercialisation trop hâtive du genre.
Anti-Pasti provient de Derby en 1979, sous l'impulsion de Martin Roper (chant), et du guitariste Dugi Bell. Le line-up se stabilise avec l'arrivée de Stu Winflield à la basse, et de Stan Smith à la batterie. La même année, alors que quelques morceaux démonstratifs ont été capturés, le groupe réalise la première partie de The Clash lors de leur passage à Derby, durant tournée de "London Calling". Rien que ça ! Dans un esprit 100% punk, que l'on peut donc lier à ceux mentionnés en amont (en ajoutant ensuite par exemple The Partisans ou The Fits) Anti-Pasti coud et affine lui-même l'EP "Four Sore Points", délivré sur son propre label Dose Records entre janvier et mars 1980 ! A travers cet acte anticonformiste, on pense aussi à Black Flag avec le label de son guitariste, ou à Alternative Tentacles, repère discographique de Jello Biafra des Dead Kennedys. Après le déchainement de cet EP, le bassiste Will Hoon et le batteur Kevin Nixon rejoindront les rangs, tous deux ayant précédemment joué chez The Egyptians Kings. On retient par ailleurs que la couverture (dont la photo est extraite du film de 1966 "The Black Cat"), est retrouvée la même année sur l'EP "Inside My Brain" des californiens d'Angry Samoans.
Sur "Four Sore Points....", nos oreilles sont vaincues par l'incroyable production brute dont transpire l'ensemble de ce même ouvrage. Issu d'une démo, on constate que les guitares sont tranchantes, incisives, sales et vrombissantes, lesquelles reprennent admirablement bien l'esprit contenu sur l'éponyme recueil de 1976 des Ramones, qui sera notamment relayé en 1981 avec l'excellent EP "All Out Attack" de Blitz. "No Government" est le titre phare d'Anti-Pasti, un hymne à la thématique sans équivoques qui rencontrera un succès immédiat auprès des sphères punk, allant jusqu'à être inclus dans la compilation "A History of Punk" du label Cherry Red (Misfits, Dead Kennedys, ou encore... Felt !) en 1984 en compagnie de The Damned, The Exploited, Generation X, ou encore The Stranglers ! Le primitif "1980" est une reprise de "1970" des Stooges, tandis que le grège "Two Years Too Late" nous vient de The Epileptics (qui deviendra un des chefs de file du mouvement anarcho-punk Flux of Pink Indians). "Something New" clôt la galette sur la même touche crasseuse et dynamique que "No Government", ce dernier restant un classique du genre, injustement méconnu ! Fin 1980, l'indépendant Rondelet Records (Special Duties, The Fits, Threats, mais aussi le heavy metal de Gaskin), repérant l'influence grandissante d'Anti-Pasti, réédite "Four Sore Points".
A aucun moment notre quartette de Derby ne regagnera autant de bestialité et de vulgarité d'exécution, même si le tempo sera augmenté dans la récupération plus lissée de "No Government" sur son premier album "The Last Call...", apparu en août 1981. Cependant, après la concoction du single "Let Them Free", dessiné par la nouvelle formation, ainsi que du split avec The Exploited "Don't Let Them Grind You Down", quelques mois avant l'album, elle sera choisie pour le culte Apocalypse Tour qui les réunit autour de The Exploited, Chron Gen, Vice Squad, Discharge et Anti-Nowhere League. Le groupe fera même la couverture du magazine Sounds, et "The Last Call", en plus d'être numéro 1 dans le top indie anglais de l'époque (tout comme le split cité plus haut et le single "Six Guns") atteindra la trente-et-unième place du top national ! Après The Damned en 1978, Anti-Pasti sera le premier peloton à se produire en Amérique du Nord ! Même The Clash connaîtront personnellement les membres...
Suite à un second opus majoritairement déprécié (avis que nous ne partageons pas), accompagné d'une mésentente et d'un épuisement général (Martin, le chanteur sera viré, insatisfait de la direction musicale que prend son initiale création), les anglais se séparent courant 1984. Mais en 2012, un retour se concrétise avec la sortie de "Rise Up" quatre ans plus tard. Leur carrière, aujourd'hui prise par la poussière, a pourtant été importante durant les eighties. A nos yeux, "Four Sore Points" et l'équivalent anglais du "Nervous Breakdown" de Black Flag : sauvage, sincère, bref, et précurseur de la frange plus hardcore du punk rock !
8/10
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De gauche à droite : Will Hoon, Dugi Bell, Martin Roper, Kevin Nixon. |
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