![]() |
| Edition vinyle originale du premier volume. |
Anciennement journaliste, Lenny Kaye fut l'un des premiers auteurs du terme "punk rock", avant d'être surtout connu pour sa collaboration avec Patti Smith durant la seconde partie des années 70. Ce terme, apparu sur la désormais culte anthologie "Nuggets" dont il est le concepteur, avait pour but de décrire spécifiquement le style des illinoisais de Shadows of Night et de toute la périphérie du rock américain des années 60 notamment influencés par la fameuse British Invasion. Cet épisode, à l'aube de l'émergence du punk, signe le commencement d'une grande ruée vers les précurseurs des sixties. En effet, c'est en pleine explosion des Clash, Stranglers et autres Buzzcocks que la série "Peebles" voit le jour, dans la continuité de ce qu'avait engendré les "pépites" du guitariste de la créatrice de "Horses". Et puis, en 1983, sont exhumés les souvenirs les plus crus de la décennie marquée par les Beatles, Cream, et les Grateful Dead, compilés sous le nom de "Back from the Grave".
![]() |
| Edition vinyle originale du second volume. |
Ainsi, il ne réunit presque que des artistes ayant un son beaucoup plus brut et sauvage que ce que l'on connaît des florilèges précédents, "Nuggets", et "Peebles". Plutôt que les Beatles, les artistes présents sur "Back from the Grave" préférent les Rolling Stones, les Kinks, et aux États-Unis, les Thrashmen, les Rivieras, et les Sonics. Les deux initiaux volumes, respectivement accouchés en août et octobre 1983, sont superbement illustrés par Mort Todd (ayant travaillé pour DC et Marvel Comics !) avec une touche rappelant les films d'horreur de l'époque représentée. L'approche de Tim Warren est résolument anti-disco, anti-pop, et très ancrée dans une rétrospection du rock alternatif.
La plupart des enregistrements listés ici sont de 1966-67, mais s'étalent de 1962 à 1970. Nous possédons la réédition CD de 2015, qui assemble et remastérise les deux premiers volumes de la série "Back from the Grave". Chaque titre doit beaucoup au "Louie, Louie" de Richard Berry (1955), popularisé en 1963 par les Kingsmen et représentant l'avant-garde du punk rock et du rock'n'roll en général : "My Confusion" de The Elite (avril 1966) ; "Yeah" de The Alarm Clocks (août 1966), jouant une sorte de version proto-indie-grunge ; "I'll Come Again" de The Legends (septembre 1967) ; "Night of the Phantom" par Larry and the Blue Notes (avril 1965) ; "Psycho" (reprise de The Sonics) par The Swamp Rats (octobre 1966) ; "Summertime Blues" (reprise de Eddie Cochran) par The Outsiders (avril 1966) ; "Yes I Do" de The Hatflieds (novembre 1966) ; "Snoopy" par The Mystics (novembre 1964), etc...
Sérieusement, "All I Really Need is Love", des illinoisais de The Reasons Why, ce sont les Ramones presque dix ans en avance ! La reprise de "Summertime Blues" de The Outsiders, faite deux ans avant celle de Blue Cheer, est bien plus hardcore que celle de la bande à Dickie Peterson ! "Jack the Ripper" des ohioains de The One Way Streets est un imbroglio punk à la Link Wray (qui l'a par ailleurs repris) ; "Little by Little" (1966), d'un inconnu groupe canadien (le seul de cette anthologie) ressemble à The Cramps : "Psycho", déjà sulfureux titre des Sonics, est ici interprété avec une impressionnante distorsion pour l'époque. La reprise de "Satisfaction" par The Mods (juin 1965) se veut plus sale, s'accaparant bien mieux que les Stones l'image des mauvais garçons. Le drone des moines franciscains (oui, oui !) de "Ghost Power", de 1970, introduit le monde aux futures expérimentations de Brian Eno.
Enfin, plusieurs compositions restent tout de même dans un profil plus tranquille, comme l'excellent et grungy "Yeah" The Alarm Clocks ; "Cry" de The Malibus (janvier 1966) avec un vocaliste pas loin de Lou Reed ; "We All Love Peanut Butter" de One Way Street (mars 1967), qui prédit The White Stripes ; le bluesy-jangly très Beatles "They Can't Hurt Me" de The Lyrics (octobre 1965) ; le Stones "Won't Get Far" de The Hysterics (mai 1965), avec "No Reason to Complain" de The Alarm Clocks (août 1966) ; le proto Doors "She's Mine" de The Children of Darkness (1966) ; le fuzz calme de "That's the Bag I'm In" des Fabs (septembre 1966), puis "She's Coming On Stronger" de The Outsiders (janvier 1966) nous replonge chez The Animals.
Témoignage du punk rock avant qu'il ne soit ce que l'on connaît de lui, le bouquet de "Back from the Grave" est une excellente machine à remonter le temps, proposant de remarquables titres totalement oubliés du public. C'est une source cruciale permettant de comprendre l'évolution de l'histoire du rock, et plus précisément du genre qui a ironiquement touché la culture populaire à partir des années 70, en la reniant, bien que cela n'a pas empêché une frange de cette culture de vivre pleinement l'éthique contestataire.
Depuis "Nuggets", puis "Peebles" et "Back from the Grave", une entière industrie souterraine va se perpétuer jusqu'à aujourd'hui, avec un lot indénombrable d'anthologies du même type, à commencer par "Garage Punk Unknowns", toujours chez Crypt Records. Propre à l'univers punk, des séries telles que les "Killed by Death" et "Bloodstains" vont faire le bonheur des collectionneurs acharnés dans le monde. Il n'en reste pas moins que "Back from the Grave", culminant aujourd'hui, à dix volumes (ouf !), se place comme référence absolue. Si vous pensiez que le punk rock n'eut pas d'existence avant les Sex Pistols, les Heartbreakers ou les Damned, écoutez ces exhumations musicales !
9/10




Commentaires
Enregistrer un commentaire